Cuits ou crus? la cuisson des aliments est-elle bonne ou mauvaise pour notre santé?

La plupart des mammifères terrestres, dont l’ancêtre de l’homme, sont apparus il y a environ 65 millions d’années, suite à un réchauffement climatique sans précédent dans l’histoire de la planète (augmentation de la température moyenne de plus de 10 degrés).

alimentation_prehistorique_2Notre ancêtre était alors végétarien à plus de 90%, avec une alimentation basée sur les fruits et les feuilles. Voilà qui explique probablement pourquoi les fruits et légumes sont si bons pour la santé : nous y sommes tous parfaitement adaptés !

Cette alimentation perdurera pendant plus de 50 millions d’années, avant une augmentation progressive des apports carnés.
Autre aspect important : jamais nos ancêtres n’ont cuit leurs végétaux, ils étaient tous crudivores.

On estime aujourd’hui que l’usage du feu à des fins culinaires remonterait à près de 2 millions d’années, une date obtenue aussi bien à partir de mesures directes (découverte de foyers) qu’indirectes (évolution de la taille des molaires, par exemple).
Ces nouveaux éléments remettent largement en cause la conception communément admise d’une maîtrise du feu datant de 300 ou 500.000 ans.

feu silex

La cuisson a bouleversé l’évolution de l’homme
La cuisson des aliments est loin d’être un fait anecdotique. Il y a 2 millions d’années, à une époque où la disponibilité alimentaire était essentielle à la vie et à la survie, la cuisson aurait conféré un avantage substantiel à l’homme.

La cuisson des aliments a permis à nos ancêtres de profiter d’un éventail de denrées plus large. Certains aliments sont toxiques quand ils sont crus, et deviennent comestibles une fois cuits. Par exemple, les haricots verts et autres légumineuses contiennent un composé chimique, la phasine, capable de faire coaguler les globules rouges. Ainsi la consommation de quelques haricots crus peut provoquer les signes typiques d’une intoxication qui peut devenir fatale dans les cas extrêmes. Ce composé ne supporte pas la chaleur, il est rapidement inactivé par la cuisson.
Une fois leur chair ramollie, les végétaux coriaces, tubercules et racines deviennent des denrées accessibles, tout comme certaines viandes dont la tendreté est améliorée.
Mastiquer nécessite moins d’efforts, les aliments sont plus digestes, les protéines et les glucides, mieux assimilés.
La cuisson détruit également les bactéries pathogènes qui, pour la plupart, ne survivent pas au-delà de 70°C.

souris obèseA travers des expériences sur les souris, les scientifiques ont également montré que la cuisson est un moyen d’optimiser l’extraction des calories de la nourriture.
En effet, après avoir été soumis pendant 40 jours à un régime cru ou cuit, les souris qui ont été nourries au cuit avait eu le gain de poids le plus important.

 

Manger des aliments plus énergétiques, multiplier les sources potentielles de nourriture et augmenter la durée de vie des aliments était crucial à cette époque où l’homme, qui ne cultive pas encore la terre, ni n’élève d’animaux, ne compte que sur les ressources sauvages de son environnement pour survivre.

Pour autant, la cuisson ne comporte pas que des avantages …

On entend parfois dire que les aliments cuits sont “morts”, qu’en est-il?
Lavés à grandes eaux, épluchés, découpés, bouillis … que reste-t-il de leur valeur nutritive?
La notion “d’aliments vivants” désigne à l’inverse les fruits et les légumes naturels, crus qui contiendraient diverses enzymes qui joueraient un rôle bénéfique pour notre santé.
Une enzyme est effectivement dénaturée par la chaleur, ce qui la rend inactive.
Ce fait est généralement connu, ce qui l’est moins par contre, est que les enzymes étant des protéines, elles sont irrémédiablement attaquées et détruites par l’acide chlorhydrique de l’estomac.

Crus ou cuits, les aliments ne nous font donc pas bénéficier de la moindre enzyme …

Il y a néanmoins d’autres substances intéressantes qui sont détruites par la cuisson : les vitamines, en particulier, qui se dégradent sous l’effet de différents facteurs : la chaleur, l’actions des rayons ultraviolets de la lumière, l’oxydation par l’air …

Les plus sensibles à la chaleur, et donc à la cuisson, sont la vitamine C et celles du groupe B.
Après différentes mesures prises par les scientifiques sur la vitamine C du brocoli, il s’avère que la perte la plus importante est dans l’eau bouillante (33%), puis à la poêle (24%), tandis que la cuisson à la vapeur permet la conservation d’une bonne teneur vitaminique.

Et la cuisson n’est pas la seule responsable de ces pertes en vitamines ; le simple délai entre la récolte et la consommation, qui dans le circuit traditionnel est aux alentours de 10 jours, conduit à une diminution significative des apports en vitamine C.

La plupart des vitamines liposolubles (qui se dissolvent dans les graisses), supportent bien la chaleur et sont conservées dans les aliments cuits. La vitamine A (aussi liposoluble) y est en revanche très sensible.

Le contenu en minéraux peut aussi drastiquement diminuer, jusqu’à 60-70%. Mais là aussi le mode de cuisson a son importance, c’est la cuisson à l’eau qui réduit le plus la teneur en minéraux. Les minéraux ne sont pas détruits par la chaleur, mais solubilisés dans l’eau. Il est alors possible de les récupérer en consommant le jus sous forme de potage ou de sauce.
Les légumes cuits à l’étouffée, sautés à la poêle dans un petit peu d’huile ou déshydratés gardent les meilleures teneurs en minéraux.

D’autres molécules protectrices, les antioxydants, présentes dans nos aliments peuvent aussi être endommagées en cours de cuisson.
Par exemple, le sulforaphane des crucifères, substance anticancéreuse, est activée par une enzyme, qui elle, est détruite par la chaleur.

Quand la cuisson donne le cancer
Si certaines substances sont dégradées en cours de cuisson, d’autres apparaissent, et parmi elles, des composés particulièrement indésirables, cancérigènes, les amines hétérocycliques et les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Les premiers se forment lorsque l’on soumet de la viande ou du poisson à une température élevée, une réaction chimique se passe entre certains acides aminés (composants des protéines), les sucres et la créatine (naturellement présente dans la viande).
viande barbecueLes seconds se forment typiquement lors d’un barbecue, en cas de contact direct du gras de la viande avec une flamme; volatiles, ils se déposent ensuite sur les aliments.
Ils apparaissent également au cours des processus de fumage des viandes et des poissons.
Ces deux types de substances sont dangereux en raison de leur génotoxicité : elles provoquent des mutations au niveau de l’ADN.
Des études épidémiologiques montrent un risque accru de cancer colorectal, pancréatique et de la prostate chez les personnes consommant en quantité importante de viande, en particulier, grillées au barbecue.

D’autres substances sont aussi fortement suspectées de favoriser l’apparition de cancers ; les nitrosamines, formés lorsque les nitrites, conservateurs présents dans les charcuteries, sont portés à plus de 130°C.
acrylamideEt l’acrylamide, issue de la cuisson d’aliments riches en glucides et pauvres en protéines comme les pommes de terre ou les céréales, au four et en friture. On les retrouve donc dans les frites et les chips, mais également dans les céréales extrudées du petit déjeuner.

Comment peut-on dire alors que la cuisson des aliments a été bénéfique à l’évolution de l’homme si elle provoque le cancer?
Il semblerait que le mode de cuisson privilégié de l’homme pendant des millions d’années, ne fut pas le barbecue, mais la cuisson à l’étouffée : les aliments étaient enveloppés dans de larges feuilles faisant office de papillotes, enterrées à côté du feu ou au contact de pierres brûlantes. Il s’agissait donc d’une cuisson douce, non toxique, qui préservait particulièrement bien les nutriments.cuisson à l'étouffée

Bon, alors finalement, dans un monde où l’abondance alimentaire est la norme, mais où le risque est plutôt la perte en nutriments et l’apparition de composés toxiques, la solution la plus logique ne serait-elle pas de ne consommer que des aliments crus?
Le mouvement qui prône une alimentation “vivante” aussi appelé “crudivorisme”, exclut la consommation de tout aliment chauffé au-delà de 42°C.

Des équipes de chercheurs se sont penchés sur cette pratique, et ils apportent des éclairages sur ses bénéfices mais également sur les risques, comme quoi rien n’est jamais tout blanc ou tout noir …
De manière générale, ce mode alimentaire permet de faire le plein de nombreux antioxydants et vitamines mais pas tous ; les taux de lycopène (l’antioxydant par excellence de la tomate) est plus bas chez les crudivoristes que dans le reste de la population, en effet, cet antioxydant est plus assimilable par notre organisme lorsque le fruit a été cuit. Idem pour le bêtacarotène de la carotte.

Une étude allemande a mis en évidence une perte de poids chez les personnes soumises à un régime composé de 70% à 100% d’aliments crus; ¼ des femmes ayant participé à l’étude avaient un indice de masse corporelle trop bas et 30% souffraient d’aménorrhée (absence de règles) partielle ou totale. Cet état était plus fréquent chez les femmes dont l’alimentation crue représentait plus de 90% des habitudes de consommation.

A long terme, il semblerait que la pratique du crudivorisme soit fréquemment associée à un faible taux de cholestérol HDL (le bon).

En conclusion, l’alimentation idéale comporte donc un mélange de cru et de cuit … Pour autant qu’on évite les hautes températures, grillades et fritures.

mélange de cru et de cuit

Source : Alternatif bien-être, novembre 2015, « la cuisson est-elle notre poison? » par Céline Sivault & Julien Venesson